Les Cerfs-Volants

Été 2019. Ma lecture des Rêveries du promeneur solitaire achevée, dans un train pour Lyon, je rêvasse devant le paysage défilant. Il se montrera même propice à une "rêvélation" : j'ai conscience d'être dans l'état de chômage livresque dit "entre-deux-livres". Un état toujours temporaire. Mon regard se posera alors sur les journaux gratuits qui débordent du filet fourre-tout au dos du siège de devant. Mon envie de feuilleter du papier me fera découvrir, caché entre 20minutes et Cnews, un livre de poche : Les Cerfs-Volants, de Romain Gary. C'est réjouissant. Sauf qu'à Romain Gary, je dois résister ! Pas par goût bien sûr ; son Chien blanc figure d'ailleurs en bonne place dans le projet Dictionnaire & citations. C'est justement ce projet qui freine mon envie de relire du Gary, car jusqu'à présent, je n'y ai mis que des œuvres d'auteurs différents. Un règlement obscur sous-tendrait-il cette diversité, à la manière de celui du prix Goncourt, stipulant qu'un auteur ne peut le gagner deux fois ? Romain Gary devra faire exception, car Les Cerfs-Volants, je ne peux pas me résoudre à le remettre dans le filet fourre-tout. Quelque chose me dit qu'il ne s'agit pas d'un oubli^*. Encore moins d'un abandon. Mais d'un véritable don oui. Le don d'un usager de la SNCF désireux de partager concrètement un bon bouquin. Plutôt que de placer le livre dans une boîte à lire, entre brochures bibliques et littérature mièvre, il avait opté pour un don sauvage dans un train. Il avait dû se dire que les cerfs-volants trop beaux, on lâche leur bride pour en faire profiter tout le monde.

^* L'ouvrage étant dédicacé "à la mémoire", ç'aurait été cocasse.